Par Anne-Marie Mouradian
Les interventions armées de la Turquie, de la Méditerranée au Caucase, et son rapprochement tactique avec Moscou ont remis en cause les solidarités qui lient les membres de l’OTAN. Considéré à l’époque de la guerre froide comme le « pilier oriental » de l’organisation nord-atlantique, le pays est passé du statut d’allié « capricieux » à celui de « problème ».
Une ligne rouge a été franchie fin 2020 avec la saga de l’achat par Ankara du système de défense antiaérien russe S-400 susceptible de menacer la sécurité des avions de l’Alliance - y compris les F-35, les chasseurs furtifs américains de dernière génération. En décembre 2020, en vertu de la législation « Countering America's Adversaries Through Sanctions Act » (CAATSA), Washington a suspendu la participation de la Turquie au programme de fabrication des F-35, tout comme ont été suspendues les licences d’exportation des équipements de défense américains vers ce pays. Même si Ismaël Demir, le président de la société d’Etat turque chargée des acquisitions militaires (SSB), a minimisé l’importance de ces sanctions américaines, elles semblent avoir fait réfléchir Ankara qui a troqué un temps les insultes pour un appel au dialogue avec l’administration Biden.
La confiance est désormais sérieusement ébranlée, mais la convergence d’intérêts reste importante et les États-Unis semblent chercher à préserver les relations de base, sachant qu'un jour viendra où Erdogan, qui voit sa popularité baisser, ne sera plus au pouvoir. De son côté, la Turquie veut, tout en poursuivant ses propres ambitions géopolitiques et sa coopération militaire avec Moscou, conserver tous les avantages de son appartenance à l’OTAN car celle-ci contribue à son influence dans la région, de l’Albanie à l’Azerbaïdjan.
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Le contexte : En 1921, le Haut-Karabagh, alors habité par 94% d’Arméniens, est placé sous administration de l’Azerbaïdjan soviétique par le bureau caucasien du parti bolchévique, dans un contexte de rapprochement des russes avec la Turquie Kémaliste. La Russie voyait alors en Mustapha Kemal un garant pour les perspectives d’expansion de la révolution bolchévique dans les pays turcophones et musulmans d’Asie centrale.