Le contexte : En 1921, le Haut-Karabagh, alors habité par 94% d’Arméniens, est placé sous administration de l’Azerbaïdjan soviétique par le bureau caucasien du parti bolchévique, dans un contexte de rapprochement des russes avec la Turquie Kémaliste. La Russie voyait alors en Mustapha Kemal un garant pour les perspectives d’expansion de la révolution bolchévique dans les pays turcophones et musulmans d’Asie centrale.
En 1988, au moment de la Perestroïka, ces frontières administrative internes à l’URSS, qui n’avaient pas vocation à devenir des frontières interétatiques, sont contestées par le Soviet Suprême du Haut-Karabagh qui, par une décision légale en février 1988, se prononce en faveur du rattachement de la région autonome à l’Arménie. En réponse à cette volonté pacifique d’émancipation, du 27 au 29 février 1988, l’Azerbaïdjan soviétique déclenche des massacres et des pogroms d’Arméniens à Soumgaït près de Bakou. Ces massacres d’Arméniens se répètent dans le Haut-Karabagh et dans l’ensemble du territoire de l’Azerbaïdjan soviétique, notamment à Maragha, à Kirovabad et à Bakou.
En 1991, l’Azerbaïdjan déclare la guerre à l’Arménie (celle-ci fera 30 000 morts des deux côtés, et se terminera par une défaite totale de l’Azerbaïdjan, contrainte de signer un cessez-le feu à Bichkek en mai 1994 avec le Haut-Karabagh et l’Arménie). Durant cette guerre, les 25 et 26 février 1992, se déroule une opération des forces arméniennes pour desserrer l’étau autour de Stepanakert, grâce à la prise de la ville aéroportuaire Khodjaly d’où les Azerbaïdjanais bombardaient quotidiennement la capitale du Haut Karabagh.
De nombreux témoignages des officiels azerbaïdjanais rapportent que les forces arméniennes ont alerté les habitants de l’assaut imminent sur la ville et de l’ouverture d’un couloir humanitaire pour évacuer la population civile. Or, quelques jours après, on découvre les cadavres d’une partie de ces habitants gisant près des positions militaires azerbaïdjanaises. L’Azerbaïdjan accuse les forces arméniennes d’avoir délibérément tué ces civils, accusant même l’Arménie d’avoir perpétré un génocide. Ce témoignage de la journaliste et juriste tchèque, Dana Mazalova, apporte un autre éclairage : les photos de cadavres défigurés et scalpés qui ont circulé par la suite sont une mise en scène à double vocation : discréditer les Arméniens, mais aussi, discréditer le régime du Président Mutalibov alors au pouvoir à Bakou.
Le jeune Azerbaïdjanais qui avait pris les photos des victimes avant et après leur déplacement et leur défiguration a été retrouvé assassiné à Baku. Il ne peut plus témoigner. Le Président Mutalibov sera renversé quelques jours après cette tragédie. Il avait affirmé à la presse russe que ce massacre était l’œuvre de ses opposants.
Interview réalisée le 20 novembre 2017 par Vadim Aroutyounov pour le site Antitopor (Anti-hâche). Traduit du russe par Radar Media Infos Sud-Caucase.