La Chine est une puissance dont la présence se fait de plus en plus ressentir dans le Sud-Caucase. Si pendant longtemps la région a été ignorée par la politique extérieure de Pékin, elle est aujourd’hui un marché à conquérir pour les entreprises chinoises.

 

Par Anthony Renard

 

            Les intérêts de la puissance asiatique sont essentiellement économiques. En effet, le coût du transport maritime des marchandises de la Chine vers l’Europe est à la hausse depuis plusieurs années, d’autant plus depuis la crise sanitaire mondiale où les coûts ont quadruplé entre octobre 2020 et janvier 2021.[1]

            Le Sud-Caucase apparaît comme l’opportunité pour la Chine de construire ou reconstruire la Route de la Soie vers l’Europe, en favorisant le transport ferroviaire à travers l’Azerbaïdjan et la Géorgie. C’est pourquoi, depuis la chute de l’URSS en 1991, la Chine investit dans les secteurs « de la construction et de la banque ».[2] Ainsi, Pékin s’immisce dans l’économie sud-caucasienne, et favorise les partenariats économiques dans l’optique de dessiner cette nouvelle route qui réduira davantage les coûts de transports des marchandises vers le Vieux Continent.

 

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Logistique et projets ferroviaires Chine-Europe - DB Schenker, 2018.

Sur cette carte, le Sud-Caucase fait office d’« itinéraire de test » pour Pékin. Cette nouvelle ligne a notamment pour but d’éviter l’engorgement du Transsibérien.[3] En effet le train chargé du transport entre la Chine et l’Europe en passant par la Sibérie est un convoi de 6000 tonnes allant à une vitesse de 50 km/h, notamment à cause du terrain accidenté.[4] Cette ligne ferroviaire n’est pas assez efficace pour assurer le transport sino-européen. C’est pourquoi la Chine a mis en place la ligne test du Sud-Caucase.[5]

            Par conséquent, depuis 2015, Pékin investit des milliards de dollars dans le Sud-Caucase, notamment dans les infrastructures portuaires dans le but de favoriser le transport de marchandises vers l’Europe. La Chine a par exemple dépensé plus d’1,5Md$ sur le port d’Alyat qui borde la Mer Caspienne, ou encore 160M$ pour un tunnel ferroviaire en Géorgie.

            Néanmoins, la Chine reste hésitante. Comme le note Pierre Andrieu, ancien co-président français du Groupe de Minsk, Pékin voit en le Sud-Caucase une « région instable et lointaine, qui ne peut être atteinte qu’en traversant de vastes déserts et une mer Caspienne capricieuse ».[6] Pour le moment, selon Pierre Andrieu, seule la Russie peut amener Pékin à s’intégrer davantage dans le paysage caucasien, notamment à travers une « Pax Sinica géoéconomique » ayant pour objectif de poursuivre les « projets russes ».[7]

            Malgré ces hésitations, la présence de la Chine dans le Sud-Caucase est un fait géopolitique important et qui ne laisse pas les voisins du Sud-Caucase indifférents. Il s’agit d’une puissance mondiale, dotée d’une grande influence et de moyens financiers conséquents, qui pourrait bien concurrencer l’influence des puissances voisines dans les années à venir telles que la Turquie, ou même celles de l’Occident ou la Russie.

 

Anthony Renard

 

[1] « Le prix du fret maritime au départ de Chine s'envole », La Tribune, Économie internationale, 20 jan. 2021.

[2] Gaïdz Minassian, « La Chine fait son entrée dans le Caucase du Sud », Le Monde, 18 nov. 2017.

[3] Joël Forthoffer, « Corridors ferroviaires Europe – Asie et coopération internationale : quelles perspectives de développement ? », Bulletin de l’association de géographes français, 96-3,  2019, p. 405-420.

[4] Alain Cariou, « Du Transsibérien au corridor eurasiatique », EchoGéo [En ligne], 49 | 2019, mis en ligne le 25 octobre 2019, consulté le 10 mai 2021.

[5] Pierre Andrieu, « Les bouleversements géostratégiques dans le Sud-Caucase », Telos [En ligne], 16 avril 2021.

[6] Ibid.  

[7] Ibid.